Tout art est nécessairement à la fois le reflet et la source de l’expérience humaine. Ainsi, tout art reflète et génère des archétypes. Certaines histoires le font plus simplement et plus manifestement que d’autres. Les histoires que nous considérons comme des mythes ou des fables sont les archétypes les plus flagrants. Mais même les histoires hyperréalistes, lorsqu’elles sont bien faites, nous offrent les vérités archétypales de l’humanité. Ou, comme le dit le chef Mario Batali,
Si ça marche, c’est que c’est vrai.
Dans Walking on Water, Madeleine L’Engle fait le commentaire suivant :
…tout art véritable a une qualité iconique…. Tous les artistes reflètent l’époque dans laquelle ils vivent, mais nous ne saurons pas avant de nombreuses années si leur œuvre possède ou non cette universalité qui habite toute génération ou toute culture…. Si l’artiste ne reflète que sa propre culture, ses œuvres mourront avec elle. Mais si ses œuvres reflètent l’éternel et l’universel, elles revivront.
Qu’est-ce qu’un archétype ? Mon dictionnaire propose trois définitions :
- Un spécimen typique.
- Un modèle original.
- Un symbole universel ou récurrent.
Comme nous l’avons évoqué auparavant, la forme même de l’histoire est archétypale. Sa structure, quel que soit le système que vous préférez pour la codifier, est un plan de la vie elle-même, à la fois dans son ensemble et dans ses nombreux petits nombres entiers. Dans les semaines à venir, nous parlerons de certains modèles archétypaux spécifiques (qui sont nombreux) que vous pouvez utiliser pour découvrir, guider et amplifier les archétypes de vos propres histoires. Mais aujourd’hui, examinons le terrain intermédiaire – pourquoi l’histoire et l’archétype sont si étroitement liés et ce que cela signifie pour vous en tant qu’écrivain qui tente de canaliser ces schémas profonds de l’existence humaine.
L’histoire comme révélation
De nombreux écrivains peuvent parler de l’expérience de la « réception » d’une histoire. À l’instar de Stephen King, qui a décrit son propre processus, nous ne créons pas tant nos histoires que nous les découvrons. C’est comme si les os, au moins, étaient toujours là, et que tout ce que nous avions à faire était de trouver comment les déterrer. Lorsque le processus de création est le plus puissant, nous sommes « dans la zone », en train d’écrire follement, en espérant que nos doigts bougeront assez vite pour tout mettre par écrit avant que l’inspiration ne s’estompe.
Friedrich Dessauer, physicien atomique au début du 20e siècle, a fait la réflexion suivante :
L’homme est une créature qui dépend entièrement de la révélation. Dans tous ses efforts intellectuels, il doit toujours écouter, toujours avoir l’intention d’entendre et de voir. Il ne doit pas s’efforcer de superposer la structure de son propre esprit, ses systèmes de pensée à la réalité.
Je pense que Dessauer serait d’accord avec Jonathan Lehrer dans Proust était un neuroscientifique (lien affilié) quand Lehrer dit :
La physique est utile pour décrire les quarks et les galaxies, les neurosciences sont utiles pour décrire le cerveau, et l’art est utile pour décrire notre expérience réelle.
Les écrivains peuvent facilement témoigner de l’équilibre délicat qui consiste à découvrir les schémas de la vie tels qu’ils sont enregistrés dans nos théories collectives afin de pouvoir mieux les exploiter, mais pas pour les superposer là où notre sagesse et notre créativité profondes savent qu’ils n’ont pas leur place.
Dans son livre Women Who Run With the Wolves (Femmes qui courent avec les loups), une exploration poétique du voyage féminin à travers des histoires archétypales, la psychologue et conteuse orale Clarissa Pinkola Estés parle avec passion de la responsabilité du conteur (et en fait de l’être humain) de canaliser cette inspiration archétypale :
Notre travail consiste à interpréter ce cycle vie/mort/vie, à le vivre avec autant de grâce que nous le savons, à hurler comme un chien enragé lorsque nous ne le pouvons pas – et à continuer….. Bien que certains utilisent les contes comme un simple divertissement, les contes sont, dans leur sens le plus ancien, un art de la guérison. Certains sont appelés à cet art de la guérison, et les meilleurs, à mon sens, sont ceux qui se sont allongés avec l’histoire et ont trouvé toutes ses parties correspondantes à l’intérieur d’eux-mêmes et en profondeur.
Lorsque les écrivains commencent à se familiariser avec la structure archétypale des histoires, ils sont souvent étonnés (comme je l’ai été) d’examiner leurs propres histoires et de découvrir que ces archétypes dont ils n’avaient jamais entendu parler auparavant sont déjà présents dans leurs meilleures histoires – ou qu’ils attendent d’être découverts pour aider ces histoires à trouver une voix plus vraie.
Comment se fait-il que même les écrivains les moins instruits semblent avoir au moins une lueur de compréhension de ces archétypes ? C’est peut-être parce que ces modèles sont partout et que nous les absorbons nécessairement par osmose. Peut-être, comme le disent les psychologues des profondeurs, parce que ces archétypes résident dans un inconscient collectif. Ou peut-être est-ce simplement parce qu’en tant qu’êtres humains, nous sommes en résonance avec les modèles de notre existence et comprenons instinctivement comment les recréer dans notre art.
Quoi qu’il en soit, les histoires et les personnages archétypaux peuplent les grandes mythologies archétypales de l’expérience humaine depuis toujours. Comme le dit Willa Cather dans l’une de mes citations préférées :
Il n’y a que deux ou trois histoires humaines, et elles se répètent aussi férocement que si elles n’étaient jamais arrivées.
Archétypes de personnages mythologiques
La plupart de ce que nous considérons spécifiquement comme des archétypes de personnages se trouvent dans les récits qui ont été mythifiés, qu’ils proviennent de l’histoire, de la religion, ou des contes populaires et des contes de fées. Ce que nous reconnaissons comme les origines de ces histoires et de vos personnages sont souvent simplistes, fantastiques et moralisatrices. Ils se répètent souvent à l’infini à travers les millénaires, variant mais toujours avec des fondements similaires d’une culture à l’autre et d’une époque à l’autre. Ou, comme l’a dit Estés :
C’est la nature des archétypes… ils laissent une trace, ils se frayent un chemin dans les histoires, les rêves et les idées des mortels. Là, ils deviennent un thème universel, un ensemble d’instructions, habitant on ne sait où, mais traversant le temps et l’espace pour enchanter chaque nouvelle génération. On dit que les histoires ont des ailes. Elles peuvent survoler les Carpates et s’installer dans l’Oural. Elles sautent ensuite vers les Sierras et suivent leur colonne vertébrale jusqu’aux Rocheuses, et ainsi de suite.
Dans The Art of Fiction (non traduit), le professeur d’écriture John Gardner distingue les « fables », les « récits » et les « contes », qu’il positionne sur un continuum s’éloignant progressivement de l’irréel (c’est-à-dire du fantastique) pour plonger dans des univers plus nuancés et réalistes. Pourtant, même la fiction la plus réaliste repose sur les bases du mythe et de ses métaphores.
Le psychologue James Hillman note que
La mythologie est une psychologie de l’antiquité, la psychologie est une mythologie de la modernité.
Pour les auteurs contemporains, l’archétype évoque souvent le très célèbre voyage du héros, popularisé par les recherches de Joseph Campbell sur les différents mythes dans le monde dans son livre Le héros aux mille visages (lien affilié) et codifié depuis par de nombreux écrivains (notamment Christopher Vogler dans The Writer’s Journey – Le guide du scénariste (lien affilié)) en tant qu’arc archétypal de personnage profondément puissant.
Bien que le voyage du héros soit une structure profondément métaphorique prenant tout son sens dans le genre fantastique (avec ses dichotomies nettes entre le bien et le mal, ses dragons, ses résurrections, ses royaumes et ses sorciers), sa versatilité se manifeste par sa présence constante dans divers récits, tant fantastiques que réalistes. (Cependant, ce n’est pas le seul arc de personnage archétypal, ni même le plus important – c’est ce dont nous discuterons dans la série à venir, qui présente six arcs primaires et sériels, dont le Voyage du Héros est le deuxième).
L’archétype, la voie vers des histoires puissantes
Pourquoi les archétypes sont-ils importants ? Pour un écrivain, ils sont importants pour la raison la plus évidente qu’il s’agit d’histoires. Mais surtout, ce sont des histoires qui marchent. Le fait même que ces schémas aient non seulement perduré au fil des ans, mais qu’ils aient en fait prouvé qu’ils étaient toujours significatifs, devrait suffire à mettre la puce à l’oreille de n’importe quel écrivain. Après tout, c’est ce que nous espérons tous dans nos propres histoires, n’est-ce pas ?
Tout comme la structure des intrigues et des personnages, les archétypes guident les écrivains vers les subtilités d’une fiction plus profonde et marquante. L’archétype en tant que tel n’est pas nécessairement porteur d’émotion (comme le démontrent de trop nombreuses répliques redondantes du voyage du héros). Mais les archétypes permettent aux auteurs d’entrevoir des vérités profondes de l’humanité.
Gardner le souligne :
La fiction recherche la vérité. Il est vrai qu’elle recherche un type de vérité poétique, des universaux difficilement traduisibles en codes moraux. Mais ce qui nous intéresse en lisant, c’est en partie d’apprendre comment le monde fonctionne, comment les conflits que nous partageons avec l’auteur et tous les autres êtres humains peuvent être résolus, si tant est qu’ils le soient, quelles sont les valeurs que nous pouvons affirmer et, en général, quels sont les risques moraux. L’écrivain qui ne peut distinguer la vérité d’un sandwich au beurre de cacahuètes ne pourra jamais écrire une bonne fiction. Ce qu’il affirme, nous le nions, jetant son livre avec indignation ; ou s’il n’affirme rien, pas même notre unité dans l’impuissance triste ou comique, et qu’il insiste sur le fait qu’il a parfaitement raison de le faire, nous le confondons en refermant son livre.
Plus encore, les archétypes, notamment les arcs de personnages qui symbolisent notre évolution au cours de la vie, peuvent servir de boussole intérieure aux écrivains et lecteurs pour nous guider à travers nos propres voyages initiatiques au fil de notre vie. C’est ce que j’ai personnellement ressenti avec ces arcs narratifs de personnages archétypaux. Le simple fait de les découvrir m’a énormément apporté, aussi bien sur le plan personnel qu’en tant qu’écrivaine.
Campbell le dit aussi bien que quiconque :
Les cérémonies tribales de la naissance, de l’initiation, du mariage, de l’enterrement, de l’installation, et ainsi de suite, servent à traduire les crises et les événements de la vie des individus dans des formes classiques et impersonnelles. Elles le révèlent à lui-même, non pas comme telle ou telle personnalité, mais comme le guerrier, la mariée, la veuve, le prêtre, le chef, tout en répétant pour le reste de la communauté la vieille leçon des étapes archétypales. Tous participent au cérémonial selon leur rang et leur fonction. La société entière devient visible à elle-même comme une unité vivante impérissable. Des générations d’individus passent, comme des cellules anonymes d’un corps vivant, mais la forme durable et intemporelle demeure. En élargissant sa vision pour embrasser ce super-individu, chacun se découvre amélioré, enrichi, soutenu et magnifié. Son rôle, même s’il n’est pas impressionnant, est considéré comme intrinsèque à la belle image festivalière de l’homme – l’image, potentielle mais nécessairement inhibée en lui-même.
Peu importe si notre plume décrit un coup de foudre dans un roman Young Adult, un combat contre des dragons dans un récit de fantasy, une réconciliation avec des enfants devenus adultes dans une fiction contemporaine, la gouvernance d’une dynastie corrompue dans un roman historique, ou un dialogue avec la lune dans du réalisme magique, nous transcrivons notre vécu. Et, si nous le faisons avec justesse et sincérité, nos écrits résonneront également avec les vécus de chacun.
Pour conclure, voici une dernière citation, tirée du merveilleux ouvrage de Donald Maass intitulé Emotional Craft of Fiction :
Vous pensez peut-être que vous racontez l’histoire de vos personnages, mais en fait vous nous racontez la nôtre.
Restez à l’écoute : la prochaine fois, nous donnerons le coup d’envoi officiel de la série sur les archétypes de personnages en présentant les six principaux archétypes de personnages de l’arc de changement positif que nous étudierons.
Dites-moi ce que vous en pensez ! Quelle a été votre expérience de la lecture, du visionnage ou de l’écriture d’histoires archétypales ? Dites-le-moi dans les commentaires !
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À la découverte des six arcs narratifs archétypaux de personnages