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Livre de Charlotte Brontë (lien affilié)
L’événement déclencheur : Après avoir été brutalement chassée par sa tante peu aimante, la jeune orpheline Jane arrive à la spartiate et malsaine école pour filles Lowood. Sa seule amie meurt d’une épidémie. On peut dire que tout le premier quart de Jane Eyre n’est pas nécessaire, puisque la véritable histoire ne commence que lorsque Jane, devenue adulte, part travailler pour M. Rochester. Mais l’arrivée de Jane à Lowood est l’événement déclencheur de l’arc de son personnage, qui consolide sa conviction qu’elle n’est pas digne d’être aimée, si ce n’est par la servitude.
Premier nœud dramatique : L’arrivée de Rochester bouleverse le monde ordonné de Jane. S’il était revenu et reparti dans la journée, ou s’il s’était avéré être un vieux monsieur gentil et ennuyeux avec un pied goutteux, son arrivée n’aurait probablement pas été considérée comme le premier point de l’intrigue. Mais parce que toute l’histoire va tourner autour de son arrivée dans la vie de Jane, des changements qu’il opère dans sa personnalité, et surtout des rêves et des désirs jusque-là insoupçonnés qu’il éveille en elle, il est le catalyseur que l’histoire attendait. À partir de maintenant, rien ne sera plus pareil.
Premier goulot d’étranglement/pivot dramatique : Alors que Jane commence à tomber amoureuse de M. Rochester, celui-ci revient chez lui après une longue absence et amène avec lui une cavalcade d’invités, au premier rang desquels l’altière Mlle Blanche Ingram, qu’il courtise manifestement. Ce nouvel indice révèle l’existence d’un rival imprévu pour l’affection de Rochester, et met soudain en lumière les enjeux de ce que Jane risque de perdre, tant pour elle-même que pour les lecteurs. Ce point d’inflexion est magnifiquement pertinent, puisque Jane sera finalement confrontée à une rivale bien plus puissante en la personne de l’épouse folle de Rochester. Miss Ingram permet de mettre l’accent sur ces enjeux sans dévoiler le rebondissement de l’intrigue.
Le point médian : Lorsque M. Mason est mystérieusement attaqué et que Rochester, désespéré, convoque Jane pour l’aider à soigner la blessure, l’histoire bascule à plusieurs niveaux. Le mystère de Thornfield est mis au premier plan, la confiance de Rochester en Jane devient indéniablement évidente, et Jane elle-même est contrainte de prendre une décision. Tout ceci, à son tour, provoque de nombreux nouveaux événements, y compris la rupture de la fête de la maison, la détermination de Jane à s’éloigner de Rochester, et son acceptation ultérieure de la convocation à Gateshead. Grâce au développement personnel que lui ont imposé les incertitudes de la première moitié du deuxième acte, elle est désormais capable de prendre des mesures qu’elle n’aurait pas pu prendre auparavant. Malgré tout, elle a besoin de la poussée des événements choquants du point médian pour la forcer à passer de la réaction à l’action.
Deuxième pivot dramatique : Après avoir accepté la demande en mariage de Rochester, Jane « rêve » d’un fantôme qui entre dans sa chambre et déchire son voile de mariée. Elle fait également de véritables cauchemars qui semblent présager le destin de son mariage à venir, ce qui permet de mettre l’accent sur les enjeux en général et de donner le ton de la tragédie à venir au troisième point d’intrigue.
Le troisième point de l’intrigue : Brontë nous donne un merveilleux exemple d’un troisième point de l’intrigue éprouvant sur le plan émotionnel lorsque le mariage de Jane est interrompu par la révélation que Rochester est déjà marié à une folle. Au moment où l’objectif extérieur de Jane (épouser Rochester) est enfin à sa portée, Brontë l’écarte de sa main. Rien ne pouvait être calculé pour frapper Jane plus durement. Elle peut soit choisir de rester à Thornfield en tant que maîtresse de Rochester et esclave spirituelle et émotionnelle, soit abandonner ce qu’elle désire le plus afin de gagner sa liberté spirituelle. Si elle choisit la première option, son histoire se termine dans la tragédie et la défaite. Mais, bien sûr, elle ne le fait pas. Elle choisit de prendre le chemin le plus difficile. Elle choisit d’être fidèle à elle-même et à ses convictions morales, même si cela lui coûte tout. À partir de là, le troisième acte se déroulera dans un tourbillon d’événements et d’évolution du personnage. Jane passera le temps qui la sépare du climax à lutter contre les répercussions de sa décision et à essayer de trouver un moyen de rejeter les derniers vestiges du mensonge, afin de pouvoir s’appuyer sur sa nouvelle vérité.
Le climax : Comme Brontë nous le montre ici, le climax doit commencer par un coup d’éclat. Brontë frappe de plein fouet son protagoniste et ses lecteurs avec l’écho inattendu de la voix de Rochester dans la tête de Jane. Il a besoin d’elle, il la rappelle. Même si Jane ne peut expliquer comment elle a entendu sa voix, elle réagit sans hésiter. Elle repousse brusquement son cousin St. John et ses avances persistantes. Il n’a plus aucun pouvoir sur elle face à sa nouvelle force intérieure et à la nécessité de l’objectif qui s’impose à elle. Elle le vainc sans même avoir à y penser.
Moment culminant : Le moment culminant lui-même doit être provoqué par une action extérieure. Quelque chose doit se produire. Peut-être que le gentil tue le méchant, que les amoureux s’embrassent, que le héros embarque pour un nouveau pays, que la fille embrasse sa mère dont elle est séparée ou que l’héroïne se présente à son nouveau travail. Ici, tout ce qu’il faut, c’est que Jane entre en présence de Rochester et qu’elle soit reconnue par lui, même s’il est maintenant aveugle.
La résolution : La conclusion de Brontë est de loin le chapitre le plus court du livre, mais il est plus que long. Les lecteurs y découvrent les réactions émotionnelles des personnages au climax et ont un aperçu de ce qui leur arrive par la suite. En quelques paragraphes de résumé, Brontë boucle les derniers détails en nous permettant d’apprendre le sort général de tous les personnages importants, y compris Adele et les Rivers.
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